Les biefs d’arrosage

 

Par rapport aux pays environnants, la Tarentaise, est une zone sèche. Si  Albertville reçoit 1154 mm d’eau par an, il n’en tombe que 913 à Bourg St Maurice. Pendant ce temps, Beaufort recevra 1375 mm de pluie et Thônes près de 2000. De plus à partir de Moûtiers, l’adret de la vallée a une exposition où l’ensoleillement, même en hiver, voisine avec le maximum. Ajoutons à cela, un sol léger et spongieux, qui ne retient pas l’eau. Sans oublier la brise qui remonte la vallée chaque après midi de beau temps, ou le puissant vent du St Bernard qui la redescend de temps à autre. Ils se chargent à tour de rôle d’évaporer l’humidité résiduelle. En été le versant droit du bassin d’Aime est roussi par la chaleur. Sans irrigation il n’y aura pas de regain et peut être pas de pommes de terre. Si au fond de sa gorge coule l’Ormente, au débit abondant en toutes saisons, il n’en est pas de même des ruisseaux qui traversent la commune. N’ayant pas de névé pour les alimenter toute l’année, et prenant leur source à moyenne altitude, dans le secteur des Fours, le ruisseau de Pierrolaz le nant Charbonnet, ou le nant des Moulins ont un débit aléatoire; il faut donc aller chercher l’eau ailleurs.

 Pour résoudre cette difficulté, les communautés villageoises de l’époque ont creusé des canaux, qui vont s’alimenter au torrent à la hauteur de Foran, pour venir se déverser dans ces ruisseaux temporaires. Le bief de la Côte est long de 2 km avec une pente moyenne de 55 mm par mètre. Il alimente le ruisseau de Pierrolaz à la hauteur de Lécher. A partir de ce lieu-dit, un réseau complexe et complet de petits canaux, aqueducs et rigoles tisse un tissu très dense qui couvre la quasi totalité des prés de la commune. Chaque parcelle si petite soit-elle peut ainsi  être irriguée .

 Le canal de Valezan, un peu au-dessus, mesure 4,5 km pour une pente de 38 mm par mètre et se déverse dans le Nant des Moulins. Plus en amont le canal des Chapelles long de 7,5 km a une pente de 27 mm par mètre.
Aujourd’hui, la partie amont de ces trois biefs est remplacée par une canalisation enfouie.
Quelques mètres à l’amont de ces deux derniers on peut voir les traces d’anciens canaux. Il n’y a aucune explication à leur existence ni à leur abandon. Encore plus haut, restent visibles les vestiges d’un ancien canal, le bief mort ou bief de Bourg, qui  prenait l’eau au pied de la cascade de l’Ormente, en dessous du refuge de la Balme. Il alimentait Bourg St Maurice.
Sur l’autre versant, un canal partant du Nant Signolan à la hauteur du pont de Chézeries alimentait le hameau d’Entre deux Nants.

Tout en bas enfin, un bief partiellement abandonné (ne reste en service que la partie sous Beguevey), captait l’eau à l’Ormente  sous le hameau de Prégirod pour l’amener aux moulins du Crêt et alimenter le Villard. Après avoir fait tourner les meules, une partie de l’eau descendait au Villard, le surplus étant renvoyé au torrent par le déversoir de Combozel.Depuis quand existe ce système? Les documents les plus anciens qui en parlent les datent des XIV et XVème siècles. Mais leur construction est  largement antérieure. Les hommes de ce temps, avaient des techniques et des moyens rudimentaires pour construire ces canaux. Mais leur savoir faire a résolu tous les problèmes délicats rencontrés comme; assurer une pente régulière, imperméabiliser le lit du canal, traverser des terrains instables, ou très pentus, ou rocheux.
Ces travaux exemplaires, plusieurs fois centenaires, peuvent être considérés comme un patrimoine et méritent  de rester dans la mémoire des hommes de notre temps.

 

Guy Plassiard