La montée du bois à Mont Rosset

Chaque année quelques jours après l’inalpage, a lieu la montée du bois nécessaire à la fabrication du Beaufort pour tout l’été. On comptait un stère pour quatre vaches.
Ce bois a été abattu, débité, fendu, rangé aux lieux et dates fixés par le garde forestier et les mandataires lors de corvées précédentes.
Chaque propriétaire devait exécuter pour le fruit commun une journée de travail, (corvée) par vache inalpée.

J’ai 16 ans, je remplace mon père pour ce travail. Le jour désigné le bois ainsi préparé est transporté au chalet. Monté la veille à Crêt Jourdan avec du ravitaillement pour ma mère. Après y avoir passé la nuit je suis à pied d’œuvre avant 8 heures vers la Grande Reiche.100

Je retrouve là une vingtaine d’équipages, qui comme moi, vont participer à la montée au chalet de Mont Rosset des 45 stères de bois prêts au bord du chemin.
Les mulets arrivent bâtés. Sur le bât pendent d’un côté le sac du casse croûte du muletier et la corde pour attacher les charges, de l’autre le sac de foin pour le repas de l’animal. Deux équerres métalliques mobiles de chaque côté du bât soutiendront la charge.
On leur met sur le dos entre 1/4 et 1/3 de stère et nous voilà partis vers le chalet pour 250 mètres de dénivelé. Là, le procureur de la montagne, contrôle et comptabilise le chargement qui est stocké près de l’entrée. Sur le coup de midi, après quatre voyages, c’est la pause casse croûte.
Après avoir ôté le mors du mulet on lui met sous le nez son grand sac de foin. Ce sac en toile de jute possède une anse en cordelette qui est passée sur sa tête, il est ainsi maintenu devant la bouche quelle que soit la position de la tête, comme une grosse muselière en sorte.

Il existait également une petite sacoche en tissu de bâche utilisée pour donner l’avoine. Le muletier assis dans l’herbe, le licol de sa monture coincé sous les fesses, sort son pain, son bout de saucisse ou de lard, sa tranche de tomme, sa bouteille de *paché * et les deux se refont une santé de concert.
Puis le travail reprend. Les trajets apparaissent de plus en plus longs et sont de plus en plus pénibles tant pour les bêtes que pour les hommes
La journée terminée là haut, je redescends à Crêt Jourdan, attelle le tombereau avec lequel je suis  monté la veille et reprends le chemin du Villard. Arrivé en bas, après avoir dételé et déharnaché le mulet, il ne me reste plus qu’à remonter au Chef Lieu le rendre à son copropriétaire.

En effet à l’époque c’était une pratique courante que d’acheter un animal de trait à deux. Pour les petits exploitants comme mon père, il n’y avait pas de travail tous les jours pour une bête de somme qui en plus mangeait dans l’année la ration de foin de deux vaches.
Alors on en achetait une à deux, on disait à la moitié, ou par ensemble, et on se la partageait tant pour les travaux que pour la garde. Un patron en disposait mardi et mercredi, l’autre jeudi vendredi, le premier le reprenait samedi, dimanche, lundi, le second mardi mercredi et ainsi de suite.

L’échange s’effectuait le soir après la journée de travail. L’hiver, pour simplifier, chacun le gardait une semaine complète.

Guy Plassiard